Mario Draghi, un super-techno pour l’Italie

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L’ancien président de la BCE est fortement pressenti pour diriger demain le gouvernement italien. Ce banquier d’affaires, jamais élu, espère achever la crise politique qui secoue un pays déjà chamboulé par la pandémie.

La politique en Italie se veut toujours bouillonnante. Pactes machiavéliques, manigances en coulisses, basculements imprévus… Voilà un feuilleton qui ne risque pas la monotonie. Preuve une nouvelle fois avec la dernière quinzaine. Exit Giuseppe Conte, le Président du Conseil qui jusque là dirigeait l’Italie dans les marasmes de la crise sanitaire. Ce professeur de Droit, qui exerçait à Florence, semblait pourtant populaire et insubmersible… Mais un autre Florentin en a décidé autrement : l’imprévisible Matteo Renzi. Ancien leader de la gauche, celui qui fut jadis taxé de  »Blair italien » garde la main sur une poignée de parlementaires fidèles. Avec eux, il a décidé il y a quelques jours de faire cavalier seul et de quitter la majorité. Désormais donc, la balle est au Président de la République, Sergio Mattarella. Un homme sage et âgé, au style professoral, qui veille à résoudre les crises. Et pour celle-ci, il semble avoir dégoté la solution : Mario Draghi.

Whatever it takes

Une nouvelle fois, c’est à un technocrate non-élu que revient la responsabilité de diriger le gouvernement. Paradoxe de la démocratie italienne… Draghi, tête bien faite, est un économiste de renommée internationale. Gouverneur de la Banque d’Italie, vice-président de la banque d’affaires Goldman-Sachs… Il écume les responsabilités privées et publiques, passant de l’une à l’autre sans trop de questionnements éthiques. Et puis un jour vient la consécration : il est nommé à la tête de ce qui est sans doute la plus puissante institution de l’UE. La Banque Centrale Européenne. En tant que Gouverneur de cet établissement nébuleux, loin des peuples, et pourtant si capital : il dirige. De 2011 à 2019, il doit organiser la riposte et la renaissance d’une économie européenne totalement sinistrée par la crise des subprimes. Pour se faire, il n’hésite pas à utiliser les pouvoirs qui lui sont alors dévolus : il fait marcher la planche à billet. Un beau jour, il réunit l’ensemble de la presse économique mondiale à la City et lance à la volée une déclaration historique :

The ECB is ready to do whatever it takes to preserve the Euro. And believe me, it will be enought.

Dit comme cela, on ne saute pas au plafond. Mais en réalité, pour les prudes oreilles des financiers, il s’agit d’une révolution. Draghi vient d’annoncer qu’il garantira la dette des états-membres. Il met fin aux dogmes austéritaires et rachète directement les titres de créances grecs ou espagnols. Opération technique, résultat immédiat : l’Euro repart. Moins vite que ses voisins, mais il repart tout de même. Le grand capitaliste devient le  »sauveur de l’Euro » selon une expression médiatique assez pompeuse il faut bien le dire. Depuis Francfort, où il s’exprime en Anglais, il développe une politique de communication plus ouverte sur les réalités du monde de la finance. Il veut se montrer sympa, faire savoir qu’il n’est pas qu’un odieux père fouettard. En 2019, Draghi cède la place à la sémillante et inénarrable Christine Lagarde. L’économie européenne ne se porte pas si mal.

Juste avant Wuhan.

Super Mario ?

Surprise du chef. Revoilà Mario Draghi là où l’on ne l’attendait pas. En politique intérieure italienne. Pour cet homme austère, au charisme discutable, diriger le gouvernement d’un pays aussi éruptif et baroque tient de la gageure… Lors de son entretien du 2 février avec le Président de la République italienne, il aurait exigé une majorité large pour gouverner. Cela devrait être possible. De gauche à droite, l’ensemble de l’échiquier politique de la péninsule respecte le banquier. Même le populiste Salvini le ménage plutôt. La droite classique, type Berlusconi, en fait son champion dans la lutte contre les déficits. Et pour la gauche du Parti Démocrate ou d’Italia Viva (le petit parti de Matteo Renzi) on se félicite de voir arriver au Palais Chiggi un ardent défenseur de la cause européenne. En bref, c’est presque carton plein.

Draghi devrait bénéficier d’un pléthorique soutien de la Chambre des Députés. Objectif désormais : constituer un gouvernement  »de haut vol » pour conduire l’Italie dans la tempête pandémique bien sûr, mais pas seulement.

Plan de Relance

Draghi devra également se lancer à corps perdu dans la bataille économique. D’ici avril, son gouvernement devra présenter à Bruxelles l’utilisation qu’il compte faire des 200 milliards d’euros qui lui ont été attribués à la fin de l’été par le Plan de Relance européen. Une somme considérable qui peut permettre à l’Italie de rebondir et de s’offrir un nouveau départ. Et de redevenir un acteur qui compte dans une mondialisation qui la dépasse souvent. Apprécié par Bruxelles, Berlin et Paris, Draghi est considéré comme sérieux.
Draghi, c’est aussi et peut-être d’abord une marque, un nom capable de rassurer les marchés.

En Italie, ce n’est vraiment pas une mince affaire…

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