Le complotisme au cinéma

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En pleine pandémie de Covid-19, anti-vaccins, appels à la désobéissance civile et complotistes se multiplient. Comment les complots sont représentés au cinéma, média maitre dans l’art de déformer la réalité ?

Les théories du complot ont le vent en poupe. Aux États-Unis, le Capitole a été pris d’assaut le 6 janvier par des supporters pro-Trump. Convaincus de la victoire de leur candidat, ceux-ci ont voulu récupérer l’élection qu’on leur a « volé ». Parmi eux se trouvaient des sympathisants de QAnon, un mouvement complotiste qui défend la thèse selon laquelle Donald Trump défend l’Amérique d’une élite corrompue.

En novembre dernier, le documentaire « Hold-Up » produit par Pierre Barnérias a fait polémique en raison de ses propos jugés complotistes. Dans un premier temps, celui-ci dénonce la gestion de la crise par les gouvernements. Mais très vite, le documentaire parle de virus créé en laboratoire, de manipulation mondiale et même de génocide. « Hold-Up » a été retiré des plateformes de diffusion où il se trouvait.

Le pouvoir des images

Si « Hold-Up » ne peut plus être visionné sur les plateformes de diffusion classiques, le documentaire continue à tourner grâce aux internautes qui l’on vu et le font voir à leurs proches par des moyens détournés. Ainsi, le nombre de personnes happées par les théories complotistes du long-métrage ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, les images représentent 80% du trafic de données sur Internet. Et le média maitre dans l’art de manipuler les images, c’est bien sûr le cinéma.

On peut trouver une origine aux films complotistes dans les films de propagande. « Le triomphe de la volonté », réalisé en 1935 par Leni Riefenstahl, glorifie par sa mise en scène l’armée allemande. « La naissance d’une nation » de D.W. Griffith, sorti en 1915, raconte la guerre de Sécession d’un point de vue sudiste et révisionniste. Les noirs y sont présentés comme des êtres machiavéliques qui désirent dominer le Sud en privant les blancs de leurs droits. Le film est encore aujourd’hui critiqué pour son racisme et a été l’une des causes majeures du retour du Ku Klux Klan aux États-Unis.

Le complotisme dans la fiction

Le complotisme est souvent utilisé par les scénaristes car il est un vecteur d’émotion forte. Il permet de nombreux retournements de situation et de tenir le spectateur en haleine. Il est surtout très présent dans le cinéma américain, principalement dans les films d’action ou d’espionnage. On peut penser au mythe de l’homme intègre, détenteur de la vérité et seul face à un système tout-puissant et liberticide. Le thème du complotisme est plus souvent utilisé dans un contexte politique trouble, propice aux bouleversements sociaux et à l’arrivé de personnes mal-intentionnées. On peut citer par exemple la trilogie du « Dr Mabuse » réalisée en 1933 par Fritz Lang. L’histoire d’un maitre criminel manipulateur fait sens dans une Allemagne qui s’apprête à tomber dans la paranoïa et le nazisme.

Mais la période la plus significative en matière de films complotistes est la double-décennie 80-90. Suite à l’attentat de John Kennedy, le scandale du WaterGate, la Guerre froide et la révélation de certaines pratiques de la CIA, les États-Unis sont plus tendues que jamais face à leurs institutions. Cela se traduit par des oeuvres comme « Les trois jours du condor » en 1975, « Complots » en 1995, « Ennemi d’État » en 1998 ou encore « Blow out » en 1981. Mais le film sur le complotisme par excellence est bien évidemment « JFK », réalisé par Oliver Stone en 1991. Dans ce monument du cinéma, le réalisateur développe à travers le parcours d’un complotiste notoire une véritable réflexion sur le pouvoir des images et l’ambiguïté des faits. Comme quoi on peut lutter contre les images par les images.

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